Etudiant, dans les années 1950, j'habitais une chambre de bonne 1 Place du Panthéon à Paris. Les festivités d'aujourd'hui (l'admission dans la crypte du Panthéon de 4 héros et héroïnes de la Résistance) me font penser à l'enterrement de Victor Hugo au même endroit le 1er juin 1885. Eh bien, mon grand-père était là, venu de Francfort pour saluer son grand homme, humaniste universel (image). Il ne pouvait imaginer que son fils Willy, mon père, réfugié en France en 1933 chassé par la barbarie nazie, y serait rattrapé par elle 10 ans plus tard, ramené de force en Allemagne dans un wagon à bestiaux, et assassiné en tant que Juif, malgré son comportement héroïque lors de la guerre précédente.
Dans les années 1990, deux de mes frères, Albert et Robert et moi nous promenons en VTT, profitant de la merveilleuse Ile-de-France, en retraités heureux. Au pied de la fameuse terrasse de St-Germain-en- Laye, l'un d'entre nous s'avise d'un patelin où notre mère nous envoyait pendant les vacances lors des années qui ont suivi la Libération. Là on nous faisait chanter notamment "Le Val d'Anniviers", chant nostalgique de montagnards expatriés inconsolables de leur village. Et nous de nous demander, notre Val d'Anniviers, c'est où? D'une seule voix nous avons répondu :"Cailhau!". C'est le petit patelin où nous avions abouti à l'issue de l'Exode en Juin 1940. Là nous avons découvert la splendeur des paysages du Midi, les Pyrénées enneigées au loin, le jaune éclatant des champs de blé sous le soleil, les cyprès et les tuiles romaines (dessin). Pour ne pas parler des platanes, des figuiers et des vignes, du maréchal-ferrant et des restes toujours vivaces de la langue d'oc. D'ailleurs, nous avons appris à l'école l'hymne du sud de la France, "Se canto, que canto" et le chantons en choeur lors des réunions des Audois de Paris.
De nos multiples racines, c'est bien celle-là qui domine, et que nous chérissons, octogénaires fidèles et reconnaissants.